Au cœur de cet hiver qui ne cache pas son nom il n’est pas toujours évident de s’extirper de chez soi pour se lover dans les fauteuils de sa salle préférée. Ceci dit, cela ne m’a pas empêché de découvrir quelques œuvres cinématographiques toutes très différentes de part leur style et les histoires qu’elles racontent.
On peut dire que l’année a démarré sur les chapeaux de roue avec la traditionnelle séance du 1er janvier en famille. En effet, ce fut le très drôle « Burn After Reading » qui nous a permis de sortir de notre coma d’ « après réveillon ». Ce pur produit issu des cerveaux disjonctés des deux frères Coen n’est pas le chef d’œuvre d’une carrière déjà très riche mais une plutôt une petite fantaisie qui nous aura bien fait rire. En tout cas si vous n’avez toujours pas eu le temps de voir, sachez qu’il est encore visible dans quelques salles parisiennes, alors dépêchez-vous de rattraper cette lacune si vous trouver l’ambiance actuelle plutôt morose.
Autre pointure du cinéma américain, Steven Soderbergh et son dyptique « Che ». Je ne reviendrai pas sur le premier opus auquel j’ai déjà consacré deux notes que je vous invite à lire si ce n’est déjà fait. Quand au deuxième opus, j’avoue ne pas avoir encore trouvé le temps de le découvrir. Si vous l’avez déjà vu, n’hésitez pas à me laisser vos impressions dans les commentaires. Les deux opus sont toujours à l’affiche.
Du côté duc cinéma français, ce premier mois de l’année 2009 m’aura également donné l’occasion de découvrir le second long-métrage de la cinéaste Karin Albou qui s’intitule « Le chant des mariées ». Après « La Petite Jérusalem », ce nouveau film prouve une fois de plus que cet auteur sait poser sa caméra sur ses comédiennes et comédiens avec justesse et délicatesse permettant ainsi de rentrer dans l’intimité la plus absolue des personnages. Malheureusement, ces superbes effets de mise en scène et de mise en lumière, qui semblent donner à son œuvre récente toute sa singularité, ne suffisent pas à masquer certaines faiblesses de traitement liées à l’époque et au lieu de l’histoire. L’action se déroule pendant la seconde guerre mondiale, dans une Tunisie complexe où la population arabe, juive et Nazi s’entre-déchire à la veille de l’arrivée des Alliés. Malgré cette époque fortement datée par les évènements, si vous ne prêtez pas attention aux décors et postiches des acteurs, cette histoire semble parfois se dérouler de nos jours et dans un tout autre contexte politique. A mon sens, cette sensation d’anachronisme est tout d’abord due à une trop grande modernité dans le traitement de la mise en scène qui nous empêche quelque peu dans nous immerger dans l’ambiance de la seconde guerre mondiale. D’autre part, la comédienne Lizzie Brocheré donne à son personnage une modernité qui nous fait plus penser à une jeune femme d’aujourd’hui qu’à une adolescente des années 1942/1944. Hormis ces deux petits défauts de jeunesse, on se laisse très vite absorber par la beauté de la mise en scène et du récit. Karin Albou se présente ainsi comme l’une des cinéastes françaises les plus prometteuses. Il serait donc dommage de passer à côté de cette œuvre naissante qui promet d’être de plus en plus intéressante de film en film. Pour le voir en salle, vous trouverez sans aucun doute quelques cinémas d’Art et d’Essai qui le propose dans la capitale.
Autre continent, autre univers, autres ambiances de lumières, celles d’« Un barrage contre le Pacifique ». Je garde encore en mémoire le superbe film de Jean-Jacques Annaud qui avait su, en 1992, transcender magnifiquement l’œuvre de Marguerite Duras en adaptant « L’Amant ». Tellement bien que celle-ci renia l’adaptation en déclarant : « Rien ne m’attache au film, c’est un fantasme d’un nommé Annaud ». Preuve que le cinéaste avait su mettre sa touche personnelle au risque de froisser cette grande dame. Dix-sept ans plus tard, c’est un autre roman de cet auteur majeur de la littérature Française qui est adapté. Cette fois, la principale intéressée, nous ayant quitté en 1996, ne pourra malheureusement pas donnée son avis. Il faut savoir que l’ouvrage fut déjà adapté en 1958 par René Clément avec dans les rôles principaux, tenez vous bien, Silvana Mangano dans le rôle de Suzanne, Anthony Perkins dans le rôle de Joseph et Jo Van Fleet dans le rôle de la mère. Rien que ça ! (Il faut absolument que j’arrive à mettre la main sur cette version. Si quelqu’un l’a, qu’il me fasse signe dans les commentaires). Ainsi, sur le papier, on aurait pu s’attendre à un grand film. Malheureusement, cette nouvelle adaptation souffre principalement d’un manque d’ambition (ou d’inspiration) cinématographique de la part du réalisateur Cambodgien Rithy Panh qui fut notamment, en 1994, l’auteur du très beau film « Les Gens de la rizière ». En effet, « Un barrage contre le Pacifique » version 2009, s’apparente plus à une mise en image (fort bien réussie au demeurant) du roman qu’a une œuvre cinématographique dans laquelle le réalisateur s’exprime réellement. Côté distribution, Isabelle Huppert ne semble pas un mauvais choix dans le rôle de la mère. Pourtant, son jeu ne pousse pas suffisamment dans les excès ce personnage, parfois choquant, comme l’a voulu Marguerite Duras dans son roman. Là aussi, on regrette un manque d’inspiration chez cette grande actrice française.
Par contre, ce qui vient sauver le film (et si vous devez le voir c’est pour eux) ce sont Gaspard Ulliel et surtout Astrid Berges-Frisbey qui, respectivement, interprètent Joseph et Suzanne. Gaspard Ulliel confirme ici sa capacité à devenir un très grand acteur français destiné à incarner des personnages charismatiques. Quand à Astrid Berges-Frisbey, c’est mon vrai coup du cœur du film. Elle incarne à la perfection cette adolescente effarouchée que sa mère, avec la complicité de son frère, accepte quasiment de vendre à un homme fortuné pour pouvoir grader leur plantation. Du haut de ses 22 ans, il n’est pas forcement simple d’incarner une adolescente tout en restant parfaitement crédible. Et pourtant ça fonctionne à merveille dans un jeu d’actrice d’une grande justesse. Ainsi, ce film semble faire le lien entre une génération d’actrices et d’acteurs incarnées par une Isabelle Huppert qui n’a plus rien à prouver et deux jeunes comédiens qui ont envi de mordre leur carrière de comédien à pleines dents en allant jusqu’au bout de leur rôle. Le film n’est malheureusement plus projeté dans la capitale mais quelques salles de provinces et banlieue le projette encore.
Parfois le cinéma nous offre de beaux fous rires. C’est l’ambition qu’« Envoyés très spéciaux » s’était fixé et je dois dire que ce fut réussi. ce film me renvoi à mes souvenirs du couple Giraudeau-Blanc dans « Viens chez moi j’habite chez une copine » et Lanvin-Blanc dans « Marche à l’ombre ». Tous les ingrédients et les ressorts de la comédie sont là pour vous laisser aller durant 1h30 à une franche rigolade. De plus, le fond de l’histoire laisse à réfléchir sur le rôle des journalistes qui, au quotidien, nous abreuvent d’informations aux quatre coins du monde. Quel crédit objectif faut-il donner à tel ou tel reportage à chaud ? On regrettera quelques invraisemblances qui peuvent parfois déranger. Mais dans une avalanche de gags, on se laisse souvent prendre par les astuces parfois peu crédibles des scénaristes pour se laisser porter par ces deux clowns que sont les deux Gérard : Lanvin et Jugnot. Une bonne détente parfois méritée après une journée de boulot.
Je terminerai cette chronique par mon coup de cœur du mois qui s’intitule « Slumdog Millionnaire ». Déçu par son précédent film « Sunshine », je suis heureux de retrouver Danny Boyle au meilleur de sa forme. Le réalisateur de « La Plage », « Petits meurtres entre amis » ou encore « 28 jours plus tard » revient ici avec toute la fraicheur et le talent qu’on attend d’un cinéaste de sa trempe. L’histoire est originale et le traitement évite le côté « miséreux » du contexte pour donner une très belle étincelle de vie à cette population des bidonvilles faisant ainsi écho au film de Fernando Meirelles, « La Cité de Dieu ». On apprécie également le petit clin d’œil aux films de Bollywood, la plus grande industrie cinématographique du monde. Finalement c’est la même énergie qu’on retrouve dans ce film qui, par le bouche-à-oreille, est en train de remporter un immense succès en France. Alors si vous ne l’avez pas encore vu, allez-y. Vous n’aurez pas trop de mal à trouver une salle qui le projette.
Sur ce, jusqu’à la prochaine note, je vous souhaite de beaux voyages en cinéphilie et n’hésitez pas à parler de vos découvertes cinématographiques dans les commentaires.
Mr Vertigo