Chères lectrices, chers lecteurs, j’ai eu la chance hier de pouvoir visionner pour vous le dernier film du réalisateur Thaïlandais, Apichatpong Weerasethakul. De ce fait, pour la première fois dans ce blog, j’ai l’opportunité de vous livrer, en avant-première, quelques clés ainsi que mon point de vue sur un film qui n’est pas encore sorti en salle. Une œuvre que je vous invite à découvrir dès le 13 Juin 2007 et qui vous fera voyager bien loin de votre quotidien.
Après « Blissfully Yours » et « Tropical Malady », Apichatpong Weerasethakul revient avec « Syndromes and a Century ». Un film qui semble raisonner comme le troisième opus d’une trilogie qui trouve son enfin épilogue comme le souligne lui-même le réalisateur Thaïlandais : « Blissfully Yours était, pour moi, un film sur le cinéma et comment je le perçois. Tropical Malady est plus directement personnel : il parle de moi. Et [Syndromes and a Century] parle de mes parents. J’ai le sentiment d’avoir atteint une certaine conclusion personnelle avec ce film, […] ».
Apichatpong Weerasethakul nous installe ainsi paisiblement dans ses souvenirs et ses introspections sur le présent en utilisant de nouveau le mode du diptyque avec une première partie évoquant la mère et une seconde le père. Tous deux étant médecins, le cinéaste grandira dans l’univers hospitalier de la campagne thaïlandaise, à Khon Kaen dans, le Nord-Est, près du Laos. Un univers qui lui sert ici de socle pour nous raconter son histoire entre Toey et Nohng à deux époques différentes.
Peut être par respect pour eux, la pudeur marque une mise en scène sobre réglée au millimètre dans laquelle on ressent beaucoup de retenue et de délicatesse. En utilisant souvent le hors champ, les plans fixes dans lesquels les personnages sont tenus à distance ainsi que des jeux de lumières subtiles, ce film laisse une douce sensation de rêve partagé avec l’auteur.
Marqué par l’antagonisme entre la modernité occidentale et les coutumes ancestrales incarnées par les personnages des moines, on perçoit que ce réalisateur est partagé sur la question de tout abandonner pour le jeans, la musique pop et l’industrialisation et garder un attachement profond avec la Thaïlande de ses ancêtres. Ainsi son propos réside dans le fait de ne pas choisir mais de trouver le bon compromis entre les deux.
Ainsi, il s’attaque à des symboles forts que la censure de son pays ne laissera pas passer. En le menaçant d’interdire la sortie du film en Thaïlande, on lui demandera de couper quatre scènes : un moine jouant de la guitare ; deux moines jouant avec un cerf-volant électrique ; un homme embrassant sa compagne dans une pièce de l’hôpital et un groupe de docteurs buvant de l’alcool dans le sous-sol de l’hôpital. Mais le cinéaste refusera catégoriquement de faire la moindre coupure en déclarant « En tant que cinéaste, je traite mes œuvres comme mes propres enfants. Lorsque je les conçois, c’est pour qu’ils vivent leur propre vie. […] Si elles ne peuvent pas vivre dans leur propre pays, pour quelque raison que ce soit, alors qu’elles restent libres. […] Sans quoi il n’y a plus de raison de continuer d’exercer son art. » Ainsi le film est à l’heure d’aujourd’hui toujours interdit en Thaïlande. Une pétition que je vous engage à signer circule d’ailleurs sur Internet pour la liberté d’expression du cinéma thaïlandais.
En attendant sa sortie en France le 13 Juin 2007, vous pouvez en profiter pour (re)découvrir « Blissfully Yours » et « Tropical Malady », tout deux disponibles en DVD.
Mr Vertigo